Tout le mois de décembre, Compote de Prod consacre son blog au métier de programmateur.ice de spectacle. Pièces maîtresses de la notoriété d’une création, ce sont ces personnes que vous voudrez convaincre. Comment une œuvre de spectacle vivant entre-t-elle ou pas dans la programmation d’une salle ? Nous leur avons posé la question.
Cette semaine, Laetitia Mazzoleni, directrice du Théâtre Transversal, à Avignon, nous répond.
Vous pouvez retrouver les précédentes interviews ici :
Décrivez-nous votre métier avec vos mots.
Je suis une espèce de cheffe d’orchestre. Je ne suis pas que programmatrice. Puisque nous sommes une petite équipe, je m’occupe aussi bien de la programmation que de la logistique et de l’accueil des compagnies.
Ça me permet d’être au plus près des artistes et de comprendre tous les rouages de leur venue. J’ai certainement plus les mains dans le cambouis que quelqu’un qui délègue après avoir sélectionné. Donc je coordonne et j’anticipe, comme le chef a un temps d’avance sur son orchestre.
Être sur le terrain avec les artistes n’est pas une fatalité budgétaire non plus, c’est un plaisir. Je n’envisage mon travail que sous l’angle de la rencontre humaine autant qu’artistique, c’est un équilibre, et on ne rencontre pas un humain en trois échanges de mails.
A quoi ressemble une semaine type ?
C’est compliqué ça ! Aucune semaine ne se ressemble. Je suis également metteuse en scène et comédienne, du coup je peux passer des semaines entières enfermée dans ma salle de spectacle et ne trier mes mails que le soir dans mon lit… Il ne faut pas se formaliser si je réponds avec plusieurs semaines de retard et il ne faut pas hésiter à me relancer !
Je le disais avant, on est une petite équipe. J’ai 15 casquettes différentes. Je rencontre des artistes, je vais voir des sorties de résidences ou des répétitions, c’est le côté agréable de mon travail. Mais je fais aussi beaucoup d’administratif, des budgets, des dossiers, et je déteste vraiment ça ! L’un ne va pas sans l’autre, j’accepte les contraintes parce que le projet en vaut la peine.
Comment se décide la programmation culturelle de votre établissement ?
C’est très très totalitaire : je suis seule à la direction ! (Rires) Je serais bien incapable de dire comment se construit ma programmation… Ce sont des rencontres, des hasards, du feeling, des paris un peu fous et beaucoup de fidélité. On met tout ça dans un pot et on voit comment ça rentre dans un planning, puis dans une cohérence sur l’année, même si la cohérence se fait malgré moi : c’est un truc un peu magique.
On me demande souvent quelle est ma ligne artistique, comment se font mes choix. Je suis incapable de l’exprimer mais tout le monde trouve une logique dans le parcours de ma saison. Je pense que je refuse juste de l’intellectualiser.
Est-ce vous qui contactez les compagnies lorsque leur création vous intéresse ou l’inverse ?
Ce sont des rencontres, donc comme toutes les rencontres ça se fait dans les deux sens. Étant moi-même metteuse en scène, je sais ce qu’on ressent quand un programmateur vient nous voir et qu’on est en attente d’une réaction de sa part. Je refuse donc de faire subir ça. Quand j’aime je le dis, et la discussion commence, quand je n’aime pas je le dis aussi, même si c’est plus difficile, tout en disant que ça ne reste que mon avis. Et puis je ne dis pas que je n’aime pas, c’est ridicule, j’explique pourquoi ça ne m’a pas touchée. Toute critique doit être bienveillante et constructive.
Quel est le spectacle idéal à programmer pour vous ?
Est-ce que le spectacle idéal existe ? Pour tendre vers un idéal, il faut embarquer le public dans un univers fort et explorer notre monde. J’aime les spectacles qui parlent des rapports humains. Le plus beau spectacle que j’ai eu la chance de voir est La nuit tombe de Guillaume Vincent en 2012 au Festival d’Avignon. Quelle claque !
J’aime les propositions qui ne laissent pas indifférent. Je préfère avoir des réactions tranchées de mon public, même être confrontée à des gens qui ont détesté, plutôt qu’être dans le tiède. Cette année je suis très fière d’accueillir un Robert Walser, L’institut Benjamenta, mis en scène par Frédéric Garbe et interprété par Guillaume Mika. Ce spectacle est une vraie expérience.
Quel conseil donneriez-vous à une compagnie qui cherche une salle pour jouer son spectacle ?
D’être en accord avec la ligne artistique, définitivement. Je reçois des mails qui me disent « on cherche une salle de telle jauge, telle taille de plateau », et là je jette sans répondre. Je ne suis pas un paquet de lessive, ni des tomates au kilo !
Oui, il y a des conditions pratiques qui font qu’un spectacle ne rentre pas dans ma salle, mais avant de s’en rendre compte, on doit parler de ce qui nous anime. Ça facilite les échanges, mais ça permet aussi une meilleure visibilité du spectacle. Un superbe spectacle peut passer incognito s’il est dans la mauvaise salle, disons une salle pas adaptée en termes d’image.
Quel est le meilleur moyen de se faire connaître d’un.e programmateur.ice ?
La meilleure façon de me rencontrer c’est de venir me voir. Je suis au théâtre tous les jours, plus ou moins disponible, alors on m’envoie un dossier d’un spectacle qui entre dans ma ligne artistique, on me recontacte si je ne réponds pas, et on vient me voir. Je suis toujours partante pour rencontrer de nouvelles personnes, surtout si elles sont passionnées et passionnantes. Mais je sais aussi que tous les programmateurs ne sont pas comme ça, que beaucoup sont difficiles d’accès… Le jour où je deviens difficile d’accès je change de métier !
A la semaine prochaine pour une nouvelle interview de programmateur.ice de spectacle.
En attendant, si vous cherchez à être accompagné.e pour donner vie à votre création sur scène, contactez-nous.
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