Tout le mois de décembre, Compote de Prod consacre son blog au métier de programmateur.ice de spectacle. Pièces maîtresses de la notoriété d’une création, ce sont ces personnes que vous voudrez convaincre. Comment une œuvre de spectacle vivant entre-t-elle ou pas dans la programmation d’une salle ? Nous leur avons posé la question.
Cette semaine, Rémi Prin, programmateur et directeur technique du Théâtre Les Déchargeurs à Paris, nous répond.
Vous pouvez retrouver la précédente interview ici. Anissa Thaminy, Directrice du Pôle Culture, Sport et Vie associative de la Mairie de Buc (78) : « Le mieux c’est la rencontre physique ».
Décrivez-nous votre métier avec vos mots.
Étant à la fois programmateur et directeur technique du Théâtre Les Déchargeurs, je dirais que mon métier consiste à accompagner des spectacles dans leur diffusion auprès du public. Je couvre d’une certaine façon toute la chaîne de diffusion : lecture des dossiers, gestion des sorties de résidence, rendez-vous de confirmation, programmation et défense du spectacle puis enfin accueil technique du spectacle au sein du théâtre. J’avoue que cette double fonction au sein du théâtre, bien qu’assez inhabituelle, me convient très bien car elle me permet de tisser des liens très poussés avec chacune des équipes accueillies.
A quoi ressemble une journée type ?
Elle consiste en grande partie à répondre aux très nombreux mails que je reçois. Je tiens beaucoup à répondre à tout le monde, même si ma réponse est négative. C’est donc un peu un éternel recommencement car je reçois en moyenne 50 mails par jour. Je me suis inventé un petit système personnel de classement de mails qui me permet de vraiment répondre à tout le monde par ordre d’urgence.
Je m’occupe également beaucoup des plannings des salles et de nos technicien.ne.s et de la gestion technique globale du lieu et de son matériel. C’est particulièrement le cas pendant les fins et débuts de mois au moment où des spectacles terminent leurs exploitations et d’autres commencent.
Je fais beaucoup de rendez-vous au théâtre car je privilégie beaucoup la rencontre de visu avec les metteur.se.s en scène. Je vois environ quatre à cinq spectacles par semaine (en journée ou soirée) à la recherche de spectacles qui pourraient intégrer nos futures programmations.
Enfin, je garde deux journées de télétravail par mois pour regarder tranquillement les captations qu’on peut m’envoyer et qui demandent un temps de traitement plus long. Nous organisons assez régulièrement des auditions de spectacles au théâtre ainsi que des « cafés-projets » qui sont des temps de permanence où nous ouvrons nos portes en journée pour que les porteur.se.s de projets puissent venir déposer leurs dossiers de spectacles en mains propres et nous rencontrer.
Comment se décide la programmation culturelle de votre établissement ?
Je parle régulièrement de mes choix de programmation avec l’équipe et notamment avec Adrien Grassard, le directeur. Avec lui, j’essaie tout au long de l’année de créer une pertinence de programmation sur certains mois où des spectacles peuvent avoir des thématiques ou des univers proches. Cela nous permet de créer des événements autour de la programmation (conférence, atelier, exposition, etc…).
Je sollicite également beaucoup notre chargée de communication Emmanuelle Jauffret ainsi que notre chargée de relations publics Lou Linossier qui ont un œil avisé pour déterminer le potentiel d’un spectacle en termes de communication et de public cible.
Est-ce vous qui contactez les compagnies lorsque leur création vous intéresse ou l’inverse ?
Je pars du principe que nous ne devons en aucun cas nous positionner en concurrence avec les autres théâtres parisiens. J’entretiens donc d’excellents rapports avec les programmateurs d’autres théâtres comme le Théâtre de Belleville, le Lavoir Moderne Parisien, le Théâtre El Duende ou le Théâtre la Flèche. Parfois, quand ces programmateurs me parlent de spectacles qu’ils ont vu et aimé mais qu’ils ne peuvent pas accueillir pour plusieurs raisons, notamment par manque de places, il peut m’arriver de solliciter directement les metteur.se.s pour organiser un rendez-vous ou une audition.
Je suis également très à l’affût de la programmation des Centre Paris Anim’ de la Ville de Paris qui programment des premières mises en scène de compagnies émergentes prometteuses. Cela me permet de me positionner sur des jeunes créations de qualité qui peuvent avoir besoin d’exploitations longues à Paris.
Quel est le spectacle idéal à programmer pour vous ?
Le texte est un critère très important pour nous aux Déchargeurs. Je suis également très sensible aux spectacles ayant des partis pris de mise en scène. Mais au-delà de ces critères, je cherche des spectacles dont les thématiques sont fortes et qui ont une résonance avec l’actualité et les questions sociétales.
Et encore une fois, au-delà des qualités artistiques du spectacle, il est important de déterminer avec l’équipe du théâtre ses capacités en termes de rencontres avec le public. Nous programmons sur des exploitations longues et sans minimum garanti. Nous devons donc essayer au maximum d’envisager à quel point la thématique du spectacle ou son univers sont capables d’attirer le plus grand nombre de spectateurs, surtout s’ ils sont programmés dans notre salle de 80 places. Les projets plus complexes et fragiles sont programmés de préférence dans notre petite salle de la Bohème (19 places) qui nous permet de pouvoir défendre et dire oui à des propositions plus iconoclastes et risquées.
Quel conseil donneriez-vous à une compagnie qui cherche une salle pour jouer son spectacle ?
Avant de solliciter un lieu, il est important de savoir si la ligne artistique du théâtre correspond à la proposition que vous allez présenter [lire notre article à ce propos, ndlr]. Je reçois encore régulièrement des propositions qui n’entrent pas du tout dans notre ligne artistique et une simple visite de notre site internet permet aux compagnies de voir immédiatement quel est le théâtre que nous défendons.
Un dossier bien construit et pas trop long est un plus. Enfin, j’avoue que je suis ravi quand des compagnies me sollicitent en me proposant des représentations professionnelles en après-midi. On oublie trop souvent que l’activité d’un programmateur se passe immanquablement la journée au bureau. Aller voir un spectacle en soirée, c’est prendre sur son temps de vie privée et familiale. Les représentations en journées nous permettent de venir découvrir des spectacles sur nos heures de travail.
Quel est le meilleur moyen de se faire connaître d’un.e programmateur.ice ?
J’aurais tendance à encourager les compagnies à venir directement rencontrer les programmateurs dans les théâtres. Aux Déchargeurs, nous sommes sensibles à faire en sorte que nos équipes soient accessibles. C’est notamment pour ces raisons-là que nous avons inventé le concept du « café-projet » dont j’ai déjà parlé plus haut. D’autre part, quand on a vraiment envie de jouer dans un endroit, il faut aller voir ce qu’il s’y passe. Un programmateur sera toujours plus sensible face à quelqu’un qui vous sollicite en ayant vu et suivi la programmation de son lieu que face à quelqu’un qui lui dira qu’il n’y a jamais rien vu voir qui n’est même jamais venu dans le lieu. Le meilleur moyen de rencontrer l’équipe d’un lieu et de venir y voir des spectacles et de nous solliciter autour du bar avec un dossier et une présentation courte et claire de son projet.
A la semaine prochaine pour une nouvelle interview de programmateur.ice de spectacle.
En attendant, si vous cherchez à être accompagné.e pour donner vie à votre création sur scène, contactez-nous.
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