Comme le dit l’humoriste Olivier de Benoist, «être programmé à Avignon, c’est comme entrer à la Comédie-Française ou être sélectionné à Cannes ! Une vraie consécration.» Le Festival OFF, pour des artistes cherchant à se faire un nom, c’est un peu le Graal. Rares sont ceux qui n’y ont pas pensé, fantasmant souvent en partie l’expérience. Qu’en retiennent ceux qui y ont joué ? Voici cinq témoignages sans concessions de comédiens qui ont participé au OFF.
1 – Olivier de Benoist a joué «avec une seule personne dans la salle»
En 2002, Olivier de Benoist joue au théâtre de Nesle un one man show, Modèle déposé, un spectacle signé Benoît Poelvoorde. Un soir de mai, un producteur de théâtre lui annonce qu’il veut le donner une place dans sa programmation à Avignon.
«Je me dis : « Ça y est, le show-business m’ouvre les bras ! J’y suis arrivé ! » C’est le coup de pouce que j’attendais, raconte-t-il dans Paris Match. Jusqu’à maintenant, pour vivre et financer mon spectacle, je fais le magicien dans les restaurants, payé au pourboire. Et voilà que cet homme m’offre enfin la reconnaissance du métier. Pour moi, être programmé à Avignon, c’est comme entrer à la Comédie-Française ou être sélectionné à Cannes ! Une vraie consécration.»
Arrivé à Avignon, c’est la désillusion. «Mon mécène tient plus du cafetier que du producteur. Sa spécialité, dans son boui-boui, c’est la pierrade. Le théâtre est au fond de la salle, près des toilettes. Je joue en plein cagnard à 14 h 30 sous un toit en tôle surchauffée […] Le cinquième jour, je me retrouve avec deux spectateurs dans la salle (…) Je suis en train de jouer quand, tout d’un coup, un des spectateurs se met à hurler. Il s’était endormi et avait fait un cauchemar. Je lui demande si ça va… Il me dit « oui », se lève et part. Je reprends mon spectacle pour mon seul et unique spectateur. Ensuite avec mes flyers je vais tracter le public sous un soleil de plomb. Malgré tout, je garde foi en moi. Mon spectateur va se révéler être un programmateur. Grâce à lui, j’ai eu une dizaine de dates dans des petits cafés-théâtres de province.»
Suivez Compote de Prod sur les réseaux sociaux
2 – William Mesguich a joué 4 spectacles par jour
Certains l’appellent le marathonien d’Avignon. En 2019, au Festival OFF d’Avignon, William Mesguich a joué dans quatre pièces de théâtre et en a mis en scène cinq. A l’heure du déjeuner, Passion Artaud, puis Macbeth, Le Souper puis Chagrin pour Soi. Un total de six heures quotidiennes sur les planches.
« Je ne cherche pas la performance, explique le comédien au Parisien, c’est juste que cela s’est présenté ainsi […] C’est un moment paroxystique dans ma carrière, mais je ne le ferai pas tous les ans. J’appréhende un peu la suite, c’est une épreuve à tous les niveaux, physiquement, c’est très éprouvant, au bout de quatre jours, j’ai les muscles tétanisés.»
Pour tenir le coup, William Mesguich s’atsreint à une discipline d’ascète : six heures de sommeil, des sucres lents, arnica en prévention et pas de discussions pour ne pas abîmer sa voix. En plein festival en 2019, il confiait une seule crainte : « l’après, j’ai peur d’avoir une sorte de théâtre blues».
Catalogue, affiche, flyers, réseaux sociaux… Suivez nos quatre astuces pour réussir sa com’ au Festival OFF d’Avignon.
3 – Gaël Dubreuil a publié un journal quotidien sur le OFF
Durant l’édition 2016 du Festival d’Avignon, le comédien Gaël Dubreuil a rédigé chaque jour un texte évoquant son expérience du OFF. De son exercice est sorti un livre, Sur le Front d’Avignon, paru en 2017 aux Editions André Odemart. Il raconte le quotidien de la troupe avec laquelle il jouait quotidiennement Jeux de l’amour et du pouvoir.
«Malgré toutes ses difficultés, ses coups de fatigue, de gueules, de blues, l’expérience d’Avignon reste un événement dans une vie de comédien – et dans la vie en général, écrit Gaël Dubreuil. D’ailleurs, ceux qui en sont passés par là se reconnaissent entre eux. Avoir triomphé des difficultés d’Avignon, c’est un peu dans notre métier comme d’être “allés au front”. On peut afficher avec fierté la “Croix de guerre du comédien” ! »
La comédienne Alis Guquet et le comédien-dramaturge Michel Heim ont contribué à ce journal. Les photographes professionnels Audrey Michel, Anthony Dall’Agnol et Frèd Pierre ont aussi participé.
4 – Joseph Agostini psychanalyse le Festival, «jonché de cadavres laminés par la critique»
Joseph Agostini est psychologue clinicien et auteur de 10 pièces de théâtre abordant des thématiques liées à la psychologie. En 2019, dans une chronique publiée sur le Huffington Post, il décrit un Festival d’Avignon OFF peu ragoutant, surpeuplé, aux allures de guérilla urbaine.
«Avignon est jonché de cadavres, écrit Joseph Agostini. Qu’on se le dise. Pas des cadavres que l’on croise ça-et-là dans une ville meurtrie par les bombes. Des cadavres psychiques, laminés par la critique, détruits par l’insuccès de spectacles si coûteux qu’ils les ont ruinés. J’ai croisé des personnes quémandant désespérément des articles aux journaux, en monnayant volontiers ces services. J’ai croisé des êtres si peu enclins à la solidarité avec leurs camarades comédiens, qu’ils étaient capables de déchirer, de voler les affiches des autres compagnies pour mettre les leurs.»
L’auteur évoque le tractage «un combat inégal, où les plus riches, les mieux armés, les plus “markétés”, règnent sur les autres, sans appétence particulière pour le partage ! […] N’y aurait-il pas un agencement à imaginer, à rêver peut-être, pour que le fin mot de la partie ne soit pas l’injustice ?» Ce n’est pas le témoignage le plus encourageant que vous lirez mais il aura le mérite de vous prévenir et vous prémunir.
5 – Gérémy Crédeville s’amuse des aléas du OFF
Gérémy Crédeville, humoriste, a joué trois ans à Avignon. Dans une chronique sur France Inter, il s’amuse des aléas du OFF.
Du prix des logements :
«Faut savoir que pendant le festival le prix des logements est hallucinant. Stéphane Plaza est venu une fois, il a fait une crise d’épilepsie, il s’est mis à trembler en se bavant dessus en plein milieu de la rue, y a des gens qui lui ont demandé un flyer pour savoir où il jouait.»
À la taille des salles :
«Quand le théâtre s’appelle garage théâtre y a de grandes chances qu’à l’année, ça soit un garage, puis au mois de juillet ils foutent un rideau au fond, deux halogènes en face, 40 chaises pliantes et paf ! Ça devient un théâtre !»
C’est léger, drôle et à écouter par ici.
Laisser un commentaire